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Albertville le 11 novembre 1914
Chère soeur
Je t’écris ces deux mots pour savoir de tes nouvelles et pour t’en donner quelques unes. Pour moi ça se tire, on part aujourd’hui pour le front. Ce n’est pas le rêve. Je te dirai que je n’ai encore reçu qu’une lettre de toi. La première a du prendre un autre chemin, mais elle se retrouvera peut-être plus tard. Si je passe à paris je tâcherai moyen de te le faire savoir.
On s’arrête à Lyon maintenant, on va après dans les Vosges. Tu parles qu’on aura pas chaud dans la neige. Mais il faut espérer que la guerre sera peut-être d’abord finie pour que l’on soit libérés du service militaire parce que c’est pas la vie. On mange de l’argent, on gagne rien du tout.
Est ce que tu as reçu des nouvelles de Jules et de François ? Je leur ai écrit, ils m’ont encore rien répondu. L’oncle Paul est sur le front, aussi la tante se fait du mauvais sang pour ça. Je ne reçoit pas souvent des nouvelles des vieux. Ils voudraient qu’on leur écrive tous les jours, mais eux jamais répondre. Nous voilà trois de la famille quand même qui vont au front. Heureusement qu’il reste Marius pour aider un peu au père.
Je suis le premier tireur de la compagnie et pour ma récompense, je pars le premier et jamais je n’ai une heure de punition.
C’est malheureux quand même la vie de militaire, ce n’est pas le rêve. Enfin, il faut bien espérer qu’on se reverra tous après la guerre.
Je me suis fait photographier dimanche et on les enverra chez nous. Tu en demanderas une. Je ne trouve plus rien à te dire pour le moment.
Ton frère qui t’embrasse tendrement.
Pichon Antoine au 22 ba[taillon], 12 compagnie en campagne, jeune soldat.